Responsabilité locataire : Faut-il repeindre le logement en location ?

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Un mur bleu canard, c’est une déclaration. Mais lors de l’état des lieux, ce pan de couleur vive peut devenir un terrain de négociation, voire d’affrontement feutré, entre locataire et propriétaire. Entre envies personnelles et clauses du bail, la peinture s’invite dans le débat, souvent plus tranchante qu’un simple coup de rouleau.

Certains s’activent pinceau en main dès la dernière semaine, hantés par la crainte de voir leur caution fondre sous prétexte de traces ou de couleurs jugées « trop personnelles ». D’autres laissent des empreintes du quotidien sur les murs, persuadés que la patine du temps est une alliée. Mais que stipule réellement la loi ? Où commence et où s’arrête la responsabilité du locataire face à ces histoires de peinture ?

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Responsabilité locative : ce que la loi prévoit pour la peinture

La loi du 6 juillet 1989 trace les frontières : elle précise qui, du locataire ou du propriétaire, se charge de l’entretien du logement. Le décret n°87-712 du 26 août 1987 liste noir sur blanc les réparations qui incombent au locataire, et la peinture y figure bien dans la catégorie des petits travaux d’entretien.

Mais attention au raccourci : il n’est pas question de repeindre systématiquement avant de rendre les clés. Tant que les murs n’ont pas subi de dégradation anormale ou délibérée, la remise en état ne s’impose pas. Le temps fait son œuvre — usure naturelle, lumière, années de loyaux services — et cette érosion-là reste à la charge du bailleur.

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  • Un éclat dû à la lumière ou au passage des ans ne sera jamais considéré comme une faute du locataire.
  • En revanche, une tache incrustée, un graffiti ou une teinte trop sombre appliquée sans feu vert écrit du propriétaire sont des motifs valables pour exiger réparation.

Le logement doit rester décent, habitable, sain — y compris pour les murs. Si une grille de vétusté accompagne le contrat de bail, elle tranchera la question de l’usure et précisera ce qui reste à la charge de chacun.

Prenez le temps de décortiquer votre bail : certains contrats contiennent des clauses précises sur la restitution des lieux. Mais aucune ne peut imposer de rendre le logement « comme neuf » ou d’imposer un coup de peinture en partant. La protection existe, mais mieux vaut garder l’œil ouvert lors des états des lieux d’entrée et de sortie.

Peut-on imposer au locataire de repeindre avant de partir ?

La question revient, inlassable, à chaque départ : le propriétaire a-t-il le droit d’exiger du locataire qu’il repeigne les murs avant de tourner la page ? Tout dépend du contrat de bail et de ce que montrent les états des lieux.

Le locataire doit restituer le logement dans le même état que celui reçu, déduction faite de la vétusté. Une peinture passée ou légèrement écaillée relève de l’usure normale. Sauf si l’état des lieux d’entrée mentionnait des murs tout juste refaits, il n’existe aucune obligation de rafraîchir les peintures avant de partir.

Des exceptions subsistent néanmoins :

  • Murs qui portent la marque de taches indélébiles ou dessins d’enfants au feutre indomptable,
  • Peintures extravagantes choisies sans l’aval du propriétaire,
  • Dégradations notoires révélées lors de l’état des lieux de sortie.

Dans ces cas, le dépôt de garantie peut servir à financer les travaux de peinture nécessaires. Mais le propriétaire doit présenter des factures ou des devis pour justifier toute retenue.

L’état des lieux, ce sésame aux allures administratives, reste le juge de paix. Examinez-le ligne par ligne, comparez les descriptions, scrutez les évolutions. Le locataire peut personnaliser les murs, à condition d’obtenir un accord écrit et de revenir à une teinte neutre si le contrat de bail l’exige.

Cas pratiques : usure normale, dégradations et couleurs choisies

La frontière entre usure normale et dégradation fait naître bien des discussions. La loi distingue pourtant les deux : une peinture ternie ou simplement fatiguée après quelques années relève de l’usure normale. Aucun texte n’impose alors un rafraîchissement à la charge du locataire.

À l’inverse, si des dégradations volontaires ou accidentelles marquent les murs — taches profondes, trous, rayures, ou couleurs vives posées sans autorisation — le propriétaire peut réclamer une remise en état. Les frais reviennent alors au locataire.

  • Peinture mate, satinée, brillante : peu importe la finition, c’est l’état général de la surface qui compte.
  • Couleur vive appliquée sur un mur : sauf interdiction spécifique dans le bail, il suffit de restituer un logement conforme à l’état d’entrée, avec teinte neutre si cela figure au contrat.

Les travaux d’embellissement — ceux qui relèvent du choix esthétique du locataire — ne sont pas exigés. Mais une peinture abîmée par négligence, ou des raccords visibles et maladroits, peuvent justifier une retenue sur la caution. L’état des lieux d’entrée demeure la pièce maîtresse pour trancher toute réclamation.

peinture logement

Conseils pour éviter les litiges lors de l’état des lieux

L’état des lieux est votre meilleur allié pour éviter les déconvenues sur la peinture lors de la restitution du logement. Un document méticuleux protège locataire et propriétaire : chaque pièce, chaque mur, chaque trace et couleur atypique doit y figurer.

Voici quelques astuces qui ont fait leurs preuves :

  • Prenez des photos datées pour compléter l’état des lieux écrit. Les images parlent d’elles-mêmes lors d’un désaccord.
  • En cas de litige qui s’enlise, faites intervenir un huissier de justice. Son constat fait foi devant n’importe quel tribunal.
  • Avant d’engager des travaux de peinture, demandez systématiquement un devis. Cela limite les mauvaises surprises lors du retour du dépôt de garantie.

Le diagnostic technique (CREP pour le plomb, performance énergétique) éclaire sur l’état général du bien, mais rien ne remplace un regard attentif sur la peinture et ses éventuelles failles.

La grille de vétusté jointe au bail répartit équitablement les charges liées à l’usure du temps. Elle précise, année après année, qui doit prendre en charge les murs défraîchis ou abîmés.

Dernier rempart : la communication. Prévenez sans tarder le propriétaire en cas de souci, archivez tous les échanges, privilégiez l’écrit pour toute décision concernant des travaux de rafraîchissement. L’anticipation et la transparence valent mieux qu’un bras de fer au moment du solde de tout compte.

Un dernier regard sur les murs, une poignée de main et, parfois, la surprise de voir ce bleu canard devenir le nouvel atout charme du prochain locataire. La peinture, miroir des usages et des humeurs, laisse toujours sa trace — à chacun de choisir si ce sera un souvenir ou un litige.